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Interview - rencontre Antoine VACAVANT, responsable scientifique du projet R-VESSEL-X

Publié le 18 novembre 2019 Mis à jour le 23 avril 2020

Antoine VACAVANT, Maître de conférence à l'Institut Pascal dans l'axe TGI (Thérapie Guidée par l'Image) au sein de l’équipe CaVITI (Cardio-Vascular Interventional Therapy and Imaging) , est le responsable scientifique du projet R-VESSEL-X. Ce projet de recherche en collaboration avec l'entreprise Kitware porte sur la visualisation des vaisseaux sanguin dans le foie la plus fine possible à partir des images IRM avec l'aide de l'intelligence artificielle.


Pouvez-vous vous présenter, nous présenter votre projet, et nous expliquer quel a été votre rôle au sein de ce dernier ?

Je suis Antoine Vacavant, maître de conférence en informatique à l’IUT du Puy-en-Velay et membre de l’Institut Pascal. Je suis coordinateur du projet R-VESSEL-X, c’est un projet PRCE (en collaboration avec une entreprise) qui a été resoumis et accepté cette année auprès de l’ANR (Agence Nationale de Recherche).

Pouvez-vous nous parler des avancées scientifiques engendrées par ce projet ?

Une de nos spécialités dans l’équipe CaVITI (Cardio-Vascular Interventional Therapy and Imaging), c’est de pouvoir traiter des IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) du foie des patients et ensuite de pouvoir analyser le contenu de l’image pour observer le foie, et les vaisseaux sanguins à l’intérieur. Ce sont des choses qu’on a commencées en amont du projet R-VESSEL-X, car R-VESSEL-X a été obtenu à la suite d’un projet Région Nouveau Chercheur. J’ai alors eu un financement de 100 000 € et j’ai pu recruter une post-doctorante pendant 18 mois, avec un travail sur les extractions du foie, des vaisseaux, des segments indépendants du foie, etc. Le projet R-VESSEL-X est la continuité directe de ce travail. La spécificité de R-VESSEL-X, c’est qu’on se concentre très spécifiquement sur l’IRM, contrairement au projet Région où on pouvait utiliser différentes modalités d’imagerie. Cette orientation IRM est une particularité de l’équipe, car c’est une modalité importante pour nous et pour les cliniciens avec qui on travaille. L’objectif du projet est d’avoir des reconstructions des vaisseaux les plus fines possibles à partir des images. La problématique, c’est que les modalités IRM ne représentent pas très bien les vaisseaux sanguins. Quand on prend une arborescence des vaisseaux, on va avoir 2, voire 3 subdivisions selon la machine et le protocole. Alors qu’en réalité, l’arborescence vasculaire est très fine et compte beaucoup de subdivisions. L’objectif de R-VESSEL-X est d’aller le plus loin possible dans l’arborescence et au-delà de l’image. Ce qu’on va faire, c’est utiliser le machine learning pour apprendre la forme des vaisseaux à partir d’autres modalités (comme le scanner ou la microscopie) que l’on va injecter dans le traitement de l’IRM.

Quel est le rôle des cliniciens dans le projet ?

A l’Institut Pascal il y a plusieurs axes, et dans Thérapie Guidée par l’Image (TGI), les équipes sont constituées d’informaticiens comme moi et de médecins. Par exemple, sur ce projet, je travaille avec des radiologues et un hépatologue. C’est pour cela qu’on arrive à travailler sur des recherches à l’interface : on utilise l’informatique pour des problématiques cliniques.

En tant que chercheur, que vous a apporté l’obtention de ce projet ?

Plusieurs choses. Déjà, cela m’a rassuré, car j’avais fait beaucoup de soumissions à l’ANR par le passé et c’est vrai que le fait d’avoir plusieurs refus a été assez décourageant. Et avec l’obtention de R-VESSEL-X, j’ai été conforté dans le fait que l’idée que j’avais eue sur ce projet était la bonne. Deuxièmement, le fait d’avoir un projet ANR débloque un certain nombre de contacts. Au-delà du consortium qui est là, on peut être en contact avec d’autres personnes autour. Par exemple, ce qui a été intéressant, c’est que notre équipe s’est rapprochée d’un Laboratoire d’Excellence qui s’appelle PRIMES, qui est initialement porté par les gens de Lyon, et qui travaille justement sur le traitement d’images médicales. Ça nous a permis d’avoir des rapports renforcés, à travers cette prise de contact.

Avez-vous fait face à des contraintes dans l’obtention de votre projet ?

Non car finalement, j’ai plutôt eu de la chance. L’évaluation de la phase 1 m’a permis de renforcer le projet en phase 2. Le rapport des évaluateurs allait dans le bon sens et ne m’a pas posé particulièrement de problème. D’autant plus que le consortium que j’avais prévu au départ était bien toujours le même, y compris l’entreprise qui m’a suivi du début à la fin. Un autre succès de ce projet, c’est qu’il a bénéficié du Plan Intelligence Artificielle du gouvernement. Une partie du financement de l’ANR provient de ce plan gouvernemental.

Auriez-vous des conseils à donner aux chercheurs et chercheuses qui souhaitent se lancer dans ce type de projets ?

Je pense qu’il y a quelque chose qu’on néglige très souvent dans l’élaboration d’un projet, c’est la manière dont est fait le consortium. Parce que parfois, les consortiums ne fonctionnent pas bien. Donc son élaboration avec les tâches de chacun est un travail très important, ce que je ne soupçonnais pas quand j’ai commencé à soumettre des projets à l’ANR. En plus, il faut que chacun ait une certaine reconnaissance, notamment au niveau européen : c’est-à-dire que si le consortium n’a pas une réputation suffisante, il rencontrera de grandes difficultés. Évidemment, il faut savoir retranscrire son idée, mais je pense que lorsqu’elle est bien formulée par rapport à l’état de l’art et au contexte scientifique, elle peut percer et trouver son chemin. Il aussi faut savoir que lors d’une soumission, même s’il n’y a que 4 pages, il faut très bien décrire l’activité de l’entreprise. On a l’impression qu’avec 2 phrases c’est suffisant, mais non, il faut vraiment bien détailler l’articulation qui existe entre l’entreprise et le reste du consortium. Autre chose : dans mon projet ANR, j’ai fait une thèse qui a été partagée entre 2 partenaires. Et je trouve que c’est une démarche que l’on ne fait pas assez souvent. On se répartit souvent les cartes sans avoir de regards croisés, alors que je pense que c’est une bonne chose.

Mon projet a également été soutenu par un pôle de compétitivité, Lyonbiopôle. Dans mes précédentes soumissions je ne le faisais pas. Mais comme ce projet a été soutenu par ce pôle, je pense que ça a peut-être joué en sa faveur. C’est difficile à quantifier. J’ai été d’autant plus étonné que j’ai juste coché une case dans le dossier sur la plateforme ANR en disant que je demandais à être soutenu par Lyonbiopôle. C’était intéressant car ils ont fait une lettre qui retranscrivait parfaitement ce que j’avais prévu dans le projet, sans que j’intervienne, et même en soulignant des choses que je n’avais pas forcément dites dans le projet. Je pense donc que l’aspect de réseautage est fondamental de nos jours.

Selon les objectifs visés, en tant que seul chercheur, on peut s’en sortir. Mais je pense que les problématiques d’aujourd’hui nécessitent des approches transdisciplinaires, même si elles sont connexes au premier abord. D’un point de vue des décisionnaires, je crois qu’ils ont conscience qu’on ne peut plus répondre aux questions avec un seul regard. Quelque part, ça m’ai aidé dans mon projet, car mes anciennes soumissions ANR étaient très informatiques. Et finalement, en m’orientant vers l’informatique pour la médecine, j’ai eu une ouverture vers une autre façon de voir la recherche, chose que je n’avais pas forcément avant. Quand on soumet un projet à l’ANR, il faut du temps. La recherche pluridisciplinaire demande du temps pour comprendre les sujets de chacun, les problématiques, les termes techniques, les compétences de chacun, etc. Cela, on le sous-estime trop. Quand je rédigeais R-VESSEL-X, pour moi, la soumission était bien meilleure que la précédente. Même si les reviewers avaient toujours des choses à redire, j’avais le sentiment que chaque phrase avait du sens, était réfléchie, et avait été discutée avec les autres membres du consortium. La proposition en ressort forcément beaucoup plus forte.

Ce projet a-t-il eu un impact sur votre enseignement ?

Je baigne continuellement dans l’informatique, et j’ai réussi à faire intégrer des cours d’intelligence artificielle en licence au Puy-en-Velay. Cela me permet de garder la main sur la pédagogie à travers ces aspects-là. Après, c’est difficile quand on a beaucoup d’enseignement, c’est l’autre vie du chercheur. Il faut vraiment trouver des moyens pour s’organiser, garder du temps pour la recherche. Je vois de nombreux collègues qui ont « loupé le coche » et ont fini par abandonner la recherche. C’est ensuite très difficile de revenir, ça demande un effort énorme. À titre personnel, j’ai réussi à suivre les évolutions avec le deep learning, et même en rapportant des articles. Ce sont des petites tâches qui, même si on trouve qu’elles ne servent à rien, sont essentielles. Rapporter un article sert beaucoup pour être au courant des tendances du moment. C’est d’autant plus important de s’organiser qu’il y a aussi la partie administrative du travail. La vie du chercheur c’est 3 pôles : la recherche, l’enseignement et l’administration. Il faut donc trouver des moyens de se libérer du temps, sinon on perd trop facilement le fil. Mais je pense que si j’ai réussi à faire cela, c’est parce que je suis passionné. Il y a quelques temps, j’ai pu échanger avec des lycéens en Suède, et je leur ai dit qu’il y avait 3 choses essentielles dans la recherche : la patience (car les résultats ne sont jamais instantanés), la passion (si cette passion n’est pas toujours ravivée, on finit tôt ou tard par abandonner), et des partenaires (qui sont très importants pour avancer sur des sujets pluridisciplinaires).
       Le projet R-VESSEL-X  a reçu le soutien financier de l'Agence National de la Recherche dans le cadre de l'appel à projet générique 2018 à hauteur de 516 204,45€. Il est réalisé en collaboration avec LIRIS (Université de Lyon / CNRS), CReSTIC (Université de Reims Champagne-Ardenne), et l'entreprise Kitware.