• Recherche,
  • International,
  • Sciences humaines et Sociales,
  • Union européenne,

Interview- rencontre avec Simon RICHE, responsable scientifique du projet ModRed

Publié le 1 juillet 2019 Mis à jour le 20 août 2019

Simon RICHE, professeur au Laboratoire de Mathématiques Blaise Pascal, est le responsable scientifique du projet ModRed. Ce projet de recherche fondamentale porte sur la théorie des représentations géométriques.

Pouvez-vous vous présenter, nous indiquer le nom de votre projet et nous expliquer votre rôle au sein de ce-dernier ?

Je m’appelle Simon Riche, mon projet s’appelle ModRed, c’est un projet de mathématiques pures qui s’inscrit dans le cadre de l’étude des représentations des groupes algébriques réductifs. Je suis le responsable scientifique du projet. L’équipe projet est constituée actuellement d’un post-doctorant et d’un thésard.

Sur quoi porte votre projet ? Et quelles avancées avez-vous réalisé ?

Nous nous intéressons à des objets qu’on appelle « les représentations de groupes algébriques réductifs ». Ces représentations se construisent à partir de « briques élémentaires », qui sont les représentations simples. Ces briques élémentaires sont assez faciles à classifier et à paramétrer de façon naturelle. Nous cherchons à les décrire plus précisément, décrire leur « taille », ou de façon plus formelle calculer leur caractère. C’est un problème qui est posé depuis les années 1970 environ. En 1980 la conjecture de Lusztig donnait une réponse conjecturale à cette question. Des chercheurs ont démontré au milieu des années 1990 que si la caractéristique du corps de base (un nombre premier qui est une des données initiales du problème) est très grande, la réponse conjecturale est bien la bonne. Mais un collaborateur australien, Geordie Williamson a démontré il y a quelques années que la réponse conjecturale ne fonctionne pas comme on l’espère lorsque cette caractéristique est plus petite. Et donc le but de ce projet, c’est de donner une solution qui fonctionne pour tous les nombres premiers « raisonnables ». Maintenant, on a une nouvelle formulation de la réponse. Le problème est que cette formulation demeure très compliquée. Nous aimerions la simplifier un petit peu.

Dans votre projet, avez-vous fait face à des contraintes ? Si oui, lesquelles ?

Scientifiquement, le projet a bien avancé, même s’il reste encore des choses à faire. Une partie des objectifs était assez claire dans ma tête et donc sur le début du projet, je savais ce qu’il y avait à faire et j’avais des directions assez précises. Maintenant, on arrive dans une zone un peu moins bien comprise et donc le rythme se ralentit un petit peu car il y a plus de travail pour défricher le territoire, voir où on en est avant d’identifier où des progrès sont possibles.

Au niveau de l’obtention du projet, ça s’est bien passé. C’était ma première demande, mais vu que j’ai été accepté, ça a été plutôt facile.

Pouvez-vous nous parler de votre oral à Bruxelles ?

On avait un dossier écrit à envoyer, puis il y avait une première sélection, puis un oral devant un jury, plutôt formel et impressionnant car on se retrouve d’une part devant des grands noms du domaine, et d’autre part, devant des gens qui font des maths très éloignées des miennes. C’est un exercice assez inhabituel au sens où on doit présenter un projet scientifique précis à des gens qui ne connaissent pas forcément les questions les plus actuelles du domaine. Il faut donc être à la fois précis scientifiquement et expliquer le contexte scientifique dans lequel on travaille.

Auriez-vous des conseils à donner à des chercheurs qui souhaitent se lancer dans ce type de projets ?

C’est difficile à dire. Je pense avoir compris quelques-unes des qualités de mon dossier mais je ne sais pas précisément ce que le jury a pensé en profondeur de ce que j’ai fait. Je pense qu’il faut avoir un projet scientifiquement précis, même si ce n’est pas toujours facile. Il faut parler de choses qu’on n’a pas encore faites, mais en même temps, il faut déjà avoir des idées précises de comment on va les réaliser. Dans mon cas, le timing était bon car j’arrivais à la fin de ma catégorie d’âge. Donc parmi les candidats j’étais plutôt expérimenté et en même temps, ça tombait bien au niveau de ma carrière car à ce moment-là, j’avais avancé suffisamment dans les discussions avec divers collaborateurs pour avoir une idée assez précise de que je voulais faire et de comment j’allais m’y prendre. Après, si ça avait été 2 ans plus tôt dans ma carrière, je n’aurai pas forcément été capable de monter un projet aussi précis. On ne maîtrise pas forcément le calendrier, car il y a aussi des contraintes d’âge pour les demandes de dossiers européens qui font qu’à une année près, on peut parfois se retrouver dans la catégorie supérieure et se retrouver avec des chercheurs beaucoup plus expérimentés. J’ai l’impression, en ce qui me concerne, qu’en tout cas, ça vaut toujours le coup de bâtir un tel projet, de s’obliger à réfléchir à des stratégies claires et précises pour les années suivantes. Je pense que même si je n’avais pas eu le projet, ça m’aurait été utile car ça m’a permis de faire le point sur où je voulais aller et comment je voulais le faire. Dans la recherche, on avance souvent article après article sans forcément prendre le temps de se poser et de se demander où on veut aller. Si le dossier est accepté c’est génial, s’il ne l’est pas, il ne faut pas avoir de regret car ce n’est pas un travail perdu.

Votre projet vous a-t-il aidé à devenir professeur ?

En tout cas, ça a été une ligne de plus dans mon dossier, lorsque j’ai été recruté professeur un an après le début du projet. C’est difficile de savoir ce qui se serait passé sans, j’aurais sans doute postulé quand même si je ne l’avais pas eu, mais c’est sûr que scientifiquement, c’est une ligne importante du CV.

Quelles sont les prochaines grandes étapes du projet ?

J’avais deux conférences prévues dans le projet : une que j’ai déjà organisée à la station biologique de Besse, et il y en aura une deuxième début 2021 à Paris, qui sera intégrée à un trimestre spécial à l’institut Poincaré à Paris.

Sinon tout se passe bien, j’ai eu un soutien logistique et administratif efficace, à la fois quand j’étais au CNRS et maintenant à l’UCA. Je suis content de l’aide qui m’a été apportée des deux côtés, car il y a une partie administrative qui a l’air un petit peu difficile. Elle est gérée par des gens dont c’est le métier et qui font leur travail de manière efficace. Je n’ai pas à me soucier de la partie administrative et ça me convient très bien.

 


Le projet ModRed  a reçu le soutien financier du Conseil Européen de la Recherche dans le cadre du programme Horizon 2020 de l'Union Européenne (convention de subvention n°677147) à hauteur de 882 843€.