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Rencontre avec Abdul Majeed AL IZERI, chercheur accompagné par le programme PAUSE

Publié le 5 avril 2019 Mis à jour le 9 avril 2019

Lancé début 2017, le programme d’Accueil en Urgence des Scientifiques en Exil (PAUSE), géré par le Collège de France, favorise l’insertion de scientifiques en situation d’urgence au sein des établissements d’enseignement supérieur et organismes de recherche français. 60 chercheurs sont actuellement accueillis dans ce cadre en France.


Parmi eux, Abdul Majeed AL IZERI, de nationalité yéménite et chercheur au Laboratoire de Mathématiques Blaise-Pascal (UMR 6620 CNRS/UCA) de l’Université Clermont Auvergne, depuis le 1er mai 2018.
 
Rencontre publiée dans le troisième numéro du Lab, journal de la recherche de l'UCA.
 

M. AL IZERI, pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?

Je suis né à Dhamar, au Yémen, en 1983. J’ai grandi là-bas et j’ai obtenu, en 2006, une Licence de Mathématiques à l’Université de Dhamar. Pendant mes 4 années de Licence, j’ai été major de ma promotion. Le Yémen compte 8 universités mais aucun département de mathématiques ne permet de poursuivre après la Licence. J’ai donc fait une demande de bourse Erasmus Mundus pour étudier les mathématiques en France. J’étais le seul étudiant yéménite du programme et je ne parlais pas français, j’ai dû apprendre seul. J’ai intégré l’Université de Bordeaux en 2009 où j’ai obtenu mon Master en 2012.
 

Vous avez ensuite poursuivi en thèse ?

Oui, la situation politique étant devenue très instable au Yémen avec la révolution yéménite en 2011, j’ai recherché des financements pour continuer en thèse en France et ai pu bénéficier de la bourse de l’Ambassade de France au Yémen. J’ai été le seul candidat sélectionné sur 12 demandes. J’ai choisi l’Université Blaise Pascal et son laboratoire de Mathématiques pour pouvoir faire de la recherche en mathématiques appliquées. J’ai commencé ma thèse intitulée « Analyse mathématique de quelques équations intervenant en dynamique des populations et en cinétique des gaz » en décembre 2013 avec Khalid LATRACH comme Directeur de thèse et j’ai soutenu le 8 décembre 2016. Après l’obtention de mon doctorat, je suis rentré au Yémen car j’avais une promesse d’embauche pour un poste de professeur à l’Université de Sanaa. Une fois sur place j’ai été approché par des miliciens qui souhaitaient que j’influence les étudiants avec mon statut de professeur. J’ai refusé et, le 10 octobre 2017, ils m’ont kidnappé. J’ai pu être libéré contre une rançon payée par ma famille, mais suite à de nouvelles menaces et des demandes supplémentaires d’argent, j’ai préféré fuir le Yémen.
 

Comment avez-vous connu le programme PAUSE ?

Tout simplement, en faisant des recherches sur Internet. J’ai ensuite en pris contact avec le Service Ingénierie de Projet de la Direction de la Recherche et de la Valorisation de l’UCA. Je suis très reconnaissant envers le Président de l’Université Clermont Auvergne qui a soutenu mon dossier.
Avec ce cofinancement PAUSE / Université Clermont Auvergne, je bénéficie d’un contrat post-doctoral depuis mai et pour une durée d’un an. Je travaille sur un modèle mathématique et une simulation numérique appliqués au domaine de la santé, concernant les infections et épidémies des populations. J’ai, à ce jour, réalisé 8 publications dans Acta Mathematica Scientia et Journal of Mathematical Analysis and Applications.


Comment envisagez-vous l’avenir ?

Je ne peux pas retourner au Yémen car je risquerais d’être de nouveau emprisonné. C’est très dur d’être éloigné de ma femme et de ma fille, qui est née en février et que je n’ai jamais vue. J’ai des contacts avec elles par Skype. Je suis heureux d’être en France, j’espère pouvoir rester et les faire venir. J’ai fait une demande de droit d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Les délais d’attentes sont longs, j’attends une réponse et j’aimerais, si cela est possible, pouvoir continuer mes recherches pour le Laboratoire de Mathématiques de l’UCA.
 


Le Programme d'Accueil en Urgence des Scientifiques en Exil est géré et piloté par le Collège de France.