Publié le 9 juillet 2020 Mis à jour le 9 juillet 2020

Un texte de la Minute Recherche par Pascale Goupil, Hicham El-Alaoui et Ayhan Kocer (PIAF - UMR UCA/INRAe / LMGE - UMR UCA/CNRS / GReD - UMR UCA/CNRS/Inserm).

Dans les cinquante dernières années, la protection des espèces végétales a consisté à utiliser massivement les produits phytopharmaceutiques ou pesticides. Cependant, ces composés de synthèse sont devenus délétères pour l’ensemble des organismes vivants dont les abeilles. En effet, elles sont exposées en permanence aux divers agents chimiques pulvérisés dans l’environnement ce qui les rend particulièrement vulnérables.

Les polyphénols sont des composés présents dans les végétaux alimentant le marché des antioxydants dans l’agroalimentaire. Ils pourraient représenter une alternative à l’utilisation des pesticides car la découverte récente de leurs propriétés immunostimulantes chez les plantes, leur attribue de nouvelles applications dans le domaine des phytosanitaires naturels. En stimulant l’autodéfense de la plante, les polyphénols appliqués sur les cultures les rendent moins sensibles aux maladies par conséquent plus résistantes aux infections.

Dans la perspective de limiter l’usage des pesticides en utilisant les polyphénols, ces molécules ont été testées sur les insectes pollinisateurs. Leur potentiel thérapeutique a été expérimenté sur les abeilles domestiques Apis mellifera infectées par le champignon parasite responsable de la nosémose. Cette maladie qui affecte le tube digestif engendre des diarrhées aigües et peut entrainer la mort de l’abeille et, dans certains cas, l’effondrement de la colonie.

Les premiers essais ont été réalisés sur des abeilles élevées en cagettes et infectées expérimentalement par le parasite. Les polyphénols sont apportés dans la solution nutritive pendant 21 jours. Les résultats des essais sont particulièrement prometteurs avec un actif pouvant réduire la mortalité des abeilles de plus de 50%. Un dispositif sous tunnel en cours d’expérimentation permettra d’évaluer cet actif sur des colonies en condition semi-naturelles.

Ces expériences font émerger un nouveau concept technologique consistant à extraire les polyphénols des plantes et les réintroduire dans l’environnement pour protéger les plantes et les abeilles. Les extraits polyphénoliques peuvent être obtenus par simple extraction aqueuse non toxique pour l’expérimentateur. Protéger les abeilles devient particulièrement innovant lorsque les produits pulvérisés sur les cultures leur serviraient de médicament rien qu’en les butinant. De plus, les polyphénols sont issus d’une matière organique disponible telle que le marc de raisin ou les feuilles de plantes ligneuses qui constituent un gisement naturel déjà ciblé de nos principes actifs, renouvelables, aisément accessibles et à large répartition géographique.