Publié le 8 mars 2019 Mis à jour le 20 juin 2019
L’hôpital, lieu d’échange entre les malades et l’environnement?
L’hôpital, lieu d’échange entre les malades et l’environnement?

Un texte de la Minute Recherche par Geneviève Bricheux (LMGE, unité mixte de recherche CNRS / Université Clermont Auvergne).

La résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement. Les antibiotiques permettent de contrer les bactéries responsables de nombreuses maladies mais leur utilisation engendre également une pression de sélection favorisant l’émergence de bactéries résistantes. Ces phénomènes de résistance apparaissent spontanément par mutations génétiques ou sont acquis via la transmission de fragments d’ADN de bactérie à bactérie, un moyen de propagation très efficace. La médecine est confrontée à une course poursuite entre la découverte de nouvelles molécules et l’apparition de résistances, y compris vis-à-vis des molécules de dernière ligne, restreintes à un usage hospitalier telle que l’imipénème, de la famille des carbapénèmes utilisé lors d’infections urinaires, de pneumonies, ou de bactériémies. La résistance à cette molécule est due à la production par les bactéries d’enzymes de dégradation (les carbapénémases) et les gènes responsables de leur synthèse peuvent s’échanger entre bactéries.

Dans ce travail, nous avons recherché la présence de bactéries résistantes à l'imipénème, dans les effluents de l'hôpital universitaire de Clermont-Ferrand, plus précisément dans les biofilms -une communauté de microorganismes regroupés dans une matrice adhésive et protectrice se développant sur les surfaces -se formant dans les conduits. Nous avons ainsi mis en évidence une quarantaine de bactéries résistantes à l’Imipénème, qui, de plus, présentaient des résistances à de nombreux autres antibiotiques (aminoglycosides, fluoroquinolones, tétracycline). Nous avons également montré que certains gènes de résistances à l’imipénème étaient portés par des fragments d’ADN transmissibles entre bactéries. En parallèle, le recueil des informations concernant l’utilisation de cet antibiotique dans cet hôpital a permis d’établir une valeur prédictive du quotient de danger, une donnée qui permet de définir le risque de développement de la résistance. Le taux supérieur à 1,0 correspond à un risque potentiel. La dilution par les effluents urbains, au niveau de la station d’épuration, diminue cependant ce risque.

La présence de gènes codant des carbapénémases dans les bactéries de biofilms d'effluents hospitaliers et leur capacité de transfert constituent donc un danger potentiel à ne pas négliger et soulignent la nécessité de surveiller la résistance aux antibiotiques dans les eaux usées hospitalières.