Publié le 11 juin 2020 Mis à jour le 12 juin 2020

Un texte de la Minute Recherche par Sonia Schwartz, Patricia Combes-Motel et Jean-Louis Combes (CERDI, unité mixte de recherche CNRS / Université Clermont Auvergne).

L'Amazonie brésilienne est l'une des régions au monde où la biodiversité est la plus riche. Elle offre de nombreux services écosystémiques indispensables aux plus pauvres, qui permettent de produire du bois de chauffe ou de construction ainsi que des ressources alimentaires. Elle contribue au cycle de l'eau et à la régulation du climat.
Cette richesse est aujourd’hui menacée par une déforestation à un taux alarmant. Comment la protéger ? Il existe plusieurs stratégies, dont les "aires protégées."

La baisse des taux de déforestation dans le milieu des années 2000 a pu être expliquée par l'expansion des aires protégées. Au Brésil, les surfaces des aires protégées ont doublé entre 2001 et 2010 et représentent un peu plus de 40% de la surface de l'Amazonie Brésilienne en 2010. Trois types d'aires protégées existent au Brésil. Les aires intégrales donnent la priorité à la préservation de la biodiversité. Les aires soutenables permettent de combiner la protection de l'environnement avec une utilisation « soutenable » de la ressource forestière. Enfin, les aires indigènes constituent un espace vital des peuples autochtones.
 

L'article examine si la création des aires protégées réduit la déforestation. Il participe au débat sur l'efficacité en matière de protection de l'environnement des politiques de type « ordre et contrôle » qui mettent en œuvre des contraintes afin d’atteindre un objectif environnemental et dont les aires protégées sont une illustration. Une alternative serait de mobiliser des instruments de marché, comme les paiements pour services environnementaux.

Nous modélisons une hypothèse réaliste dans le contexte brésilien. Il s'agit de l'effet d'infrastructure selon lequel la déforestation dans une zone donnée réduit le coût de la déforestation dans les zones géographiquement voisines. En effet, la déforestation s'accompagne de création de routes ou de réseau de transport, illustrant cet effet. Il en résulte que les décisions de déforestation sont des compléments stratégiques : créer une aire protégée dans une municipalité permet de réduire la déforestation dans les municipalités voisines. L'analyse économétrique qui permet d’analyser statistiquement les déterminants de la déforestation, est effectuée à l'aide de données géo­référencées sur l'utilisation des terres dans l'Amazonie légale brésilienne sur la période 2001-2009, diffusée par l'INPE, l'Institut Brésilien de Recherche Spatiale. Les principaux résultats sont les suivants :
Les aires protégées intégrales et les aires indigènes réduisent significativement la déforestation. Par exemple une augmentation de 10% de la surface des aires protégées intégrales permet de réduire la déforestation de 10,2% ;
Les aires protégées soutenables ne permettent pas de réduire significativement la déforestation ;
L'hypothèse d'une « fuite de déforestation » est écartée puisque les résultats montrent que les aires protégées réduisent la déforestation dans les municipalités concernées mais aussi dans les municipalités voisines (complémentarité stratégique).

Les aires protégées ne sont pas forcément efficaces, c’est-à-dire qu’elles ne permettent pas nécessairement de réduire la déforestation et préserver la biodiversité. En effet, elles ne sont pas toujours localisées là où la pression de déforestation est la plus forte. Elles peuvent aussi générer des fuites de déforestation et au final même l’accroître. Elles peuvent aussi être mal gérées en abritant des activités de braconnage. Notre travail établit que les aires protégées intégrales (mais aussi indigènes) sont efficaces c’est-à-dire ont contribué à réduire la déforestation au Brésil. Pour que cette efficacité perdure, il faut une volonté politique nationale clairement affichée de protection de l'environnement. Les dernières statistiques alarmantes en matière de déforestation au Brésil peuvent conduire à en douter.